L’assurance maladie souffle le froid sur la dématérialisation des Feuilles de Soins Électroniques (FSE)

Le refus de télé-transmission des FSE lourdement sanctionné
Alors qu’un avenant conventionnel taxe lourdement les médecins refusant la télétransmission des Feuilles de Soins Électroniques, l’Assurance Maladie en profite pour amputer d’un quart la prime d’aide à la dématérialisation des factures de soins versée le 29 février dernier.
Quant à l’imminente cotation des frottis vaginaux, elle nécessitera de revenir à la feuille de soins…. papier faute d’anticipation du GIE Sesam-Vitale !

Le bâton

Rappelons que c’est à l’été 1998 que la télétransmission des Feuilles de Soins Electroniques (FSE) a débuté en France. Le processus s’est lentement généralisé. Seul un dernier carré de médecins refuse mordicus de dématérialiser les factures de soins.

Le traitement des feuilles de soins papier entraîne une augmentation des coûts de gestion pour les régimes. Ainsi la Cour des comptes avait estimé que le surcoût de la gestion des feuilles de soins papier pour 2009 était de 200 millions d’euros.
Mais le refus de dématérialiser les factures des actes fragilise surtout les assurés précaires confrontés à des retards de plusieurs semaines dans le remboursement des prestations.
Des français, de plus en plus nombreux avec la dégradation du marché de l’emploi et la crise écomomique, éprouvent des difficultés à accéder aux soins et même y renoncent. Selon une enquête de l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes), près de 15% des français se seraient privés de soins au cours des douze derniers mois.

Or actuellement si 85,55% des médecins généralistes télétransmettent, c’est le cas pour seulement 62,63% des médecins spécialistes, qui pratiquent en plus souvent des dépassements d’honoraires.

Cela faisait des années que l’assurance maladie échouait à taxer lourdement les médecins réfractaires. Plusieurs mesures législatives et réglementaires avaient même été prises. La dernière en date étant la taxe de 0,50 euro par feuille de soins papier, qui finalement avait été déboutée par le Conseil d’Etat !

La nouvelle Convention médicale, signé le 26 juillet 2011, fixe un seuil minimum à atteindre. Le « taux prédéterminé de télétransmission en FSE [doit être] supérieur ou égal à 2/3 ».

La Loi du 10 août 2011, l’article L. 161-35 du Code de la Sécurité Sociale instaure une obligation de transmission électronique des documents de facturation des actes et prestations pour les professionnels de santé. Cet article prévoyait «  le manquement à cette obligation de télétransmission donne lieu à l’application d’une sanction dont les modalités de mise en œuvre sont définies par les partenaires conventionnels. »

Depuis le 15 mars 2012 on connait la sanction. La pénalité pour refus de télétransmission est de plusieurs milliers d’euros. Il y a eu parution au Journal Officiel de l’ Avis relatif à l’avenant n° 2 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie signée le 26 juillet 2011. Cet avenant a été signé par le Docteur Michel Chassang président de la CSMF [1], le Docteur Claude Leicher, Président de MG-France et le Docteur C. Jeambrun, président du SML. [2]

L’avenant modifie l’article 75 de la nouvelle convention nationale et rajoute à la liste des motifs de la procédure conventionnelle applicable en cas de manquement imputable à un médecin « le non-respect de manière systématique de l’obligation de transmission électronique à l’assurance maladie, posée à l’article L. 161-35 du code de la sécurité sociale, des documents de facturation des actes et prestations ».
Il est rajouté à l’article 76, qui liste les sanctions successibles d’être prononces à l’encontre d’un médecin, la « suspension de la participation des caisses aux avantages sociaux pour les médecins exerçant en secteur à honoraires opposables d’une durée de trois mois en cas de non-respect de manière systématique de l’obligation de transmission électronique des documents de facturation […].
Pour les médecins exerçant dans le secteur à honoraires différents ou titulaires du droit à dépassement permanent, cette sanction est d’un montant équivalent à la participation que supporteraient les caisses au financement de leurs avantages sociaux, sur une durée de trois mois, […] s’ils exerçaient en secteur à honoraires opposables.
Dans le cas où ce manquement est de nouveau constaté après qu’une sanction, devenue définitive, a déjà été prononcée pour le même motif, cette sanction peut être portée à six mois
 ».

Chaque médecin sanctionné passera devant une commission paritaire médecins-assurance maladie. on peut imaginer que les médecins en fin de carrière pourraient être épargnés.

- Un tiers des cotisations sociales des médecins de secteur 1 est prise en charge par l’Assurance maladie [3] Cet avantage disparaîtra pendant trois mois pour ceux se refusant à la télétransmission.
- Pour les médecins de secteur 2, qui ne bénéficient pas de cet avantage, ils subiront une pénalité financière équivalente à ce que débourserait l’assurance maladie s’ils étaient en secteur 1. Selon les calculs de Christian Jeambrun, président du SML, les remboursements de charges sociales représentent en moyenne environ 15.000 euros par médecin et par an. Une suspension de 3 mois entraînerait une pénalité serait de 3 700 euros.
Si récidive, la pénalité peut-être doublée.

L’arnaque : La Sécu récupère le quart de la carotte à la télétransmission !

Sesam-Vitale a été lancé fin 1998. Des médecins, de plus en plus nombreux, télétransmettent des feuilles de soins électroniques. Depuis l’an 2000, ils recevaient en compensation des frais inhérents, une aide à la télétransmisssion. Cette aide est payée par un virement traditionnellement fin février.

Dans une lettre réseau datée du 24/02/2012, il est rappelé que l’article 10 du règlement arbitral (arrêté du 3 mai 2010-JO du 5 mai 2010) prévoyait sous réserve d’un taux de télé-transmission de 75%.
- une reconduction de la prime de 0,07 € par FSE
- Un forfait annuel d’incitation à la télétransmission de 250 €
- Un forfait d’incitation à l’utilisation des téléservices de 250 €

Le forfait d’incitation à l’utilisation des téléservices était conditionné à la dématérialisation de 75% des protocoles de soins et des arrêts de travail.
Cet objectif était une arnaque car le téléservice “arrêt de travail” :
- n’est disponible que pour certaines caisses,
- n’est pas utilisable pour les arrêts en accident de travail/maladie professionnelle.
- En outre la disponibilité de ce téléservice, comme des autres proposés sur Espace Pro est très erratique. La disponibilité du service est très aléatoire pendant les heures d’ouverture d’un cabinet médical. En outre les médecins subissent depuis le lancement de cette offre aux problèmes d’incompatibilités chroniques avec les navigateurs. Par exemple il reste parfois impossible de lire la carte Vitale des patients ou d’imprimer le duplicata PDF qui doit être remis au patient en cas de réalisation d’un arrêt dématérialisé.
S’il était possible d’attendre un taux de 75% de e-protocoles (parfois en commençant l’opération avec un navigateur et en la terminant avec un autre), ce même taux était techniquement inatteignable pour les e-arrêts. Pourtant curieusement certains médecins ont touché cette prime de 250 € !
Publicité mensongère : L’assurance maladie étant responsable des défauts et manquements empêchant l’usage de ce téléservice “arrêt de travail dématérialisé”, il aurait été équitable que tous les médecins ayant dématérialisé 75% des e-protocoles touchent cette prime. Espérons que nos syndicats sauront faire jouer cet argument.

Deuxième point, la prime à la FSE a été amputée d’un quart. En effet l’Assurance Maladie considère que les feuilles de soins télétransmises après la parution de la nouvelle Convention au Journal officiel du 25 septembre 2011, ne doivent pas être indemnisées. Or le nouveau mécanisme conventionnel de 75 points « organisation du cabinet » de la rémunération sur objectifs de santé publique, ne s’applique qu’à compter du 1er janvier 2012. Bien qu’il soit indiqué dans l’avenant « La mesure de l’atteinte du taux de télétransmission s’effectue sur la période du 1er janvier au 31 décembre de l’année considérée », la sécu économise ainsi une centaine d’euros par médecin !

Les généralistes peuvent coter le supplément frottis mais pas faire de FSE !

La prévention du cancer du col de l’utérus relève de la réalisation régulière de frottis cervicovaginaux. La nouvelle Convention prévoyait que « compte tenu des inégalités constatées en matière d’accès à la prévention, il apparaît important de favoriser la généralisation de son dépistage selon les recommandations de la HAS ».
Les partenaires conventionnels ont souhaité que soit donnée la possibilité à l’ensemble des médecins de coter l’acte technique lorsqu’il est réalisé au décours d’une consultation.
Le 21 février 2012, il y a eu parution au Journal Officiel du mode de cumul des honoraires de l’acte de prélèvement cervico-vaginal (JKHD001) avec ceux de la consultation. Il est indiqué «  Dans ce cas, l’acte de consultation est tarifé à taux plein et l’acte technique est tarifé à 50 % de sa valeur. » [4]
Théoriquement c’est applicable un mois après parution au JO donc le 22 mars. Or nos progiciels de facturation des FSE ne peuvent tarifer un acte technique à la moitié de sa valeur.
Les éditeurs rejettent la responsabilité sur le GIE Sesam-Vitale qui n’a toujours pas publié la la fiche réglementaire autorisant cette modification technique.
En attendant pour coter “C + JKHD001/2” les généralistes seront obligés de revenir à la feuille papier !