Un Dossier Pharmaceutique sur deux ouvert sans l’accord du patient ?

Voici comment le Dossier Pharmaceutique fête les 10 ans de la Loi Kouchner !

Un deuxième baromètre publié par le Collectif Interassociatif Sur la Santé (CISS) montre que la moitié des personnes interrogées ne sait pas si elle possède un Dossier Pharmaceutique (DP) ou un Dossier Médical Personnel (DMP).

Au 13 février 2012, 18 672 956 Dossiers Pharmaceutiques ont été ouverts dans 21 534 officines. A titre de comparaison, il y a eu en 14 mois seulement 70 000 DMP créés.
La probabilité qu’un des sondés dispose d’un DMP est donc infime. Par contre pour le DP rien ne va plus !

Sur Twitter un pharmacien témoignait :

@Fraslin « Malheureusement non pour le DP. Je dois souvent expliquer ce que c’est à des gens qui en possèdent déjà un. Si ils veulent, je leur dit que je l’ouvre, sinon je ferme celui créé sauvagement Et bien j’en ferme bcp. Je connais plusieurs personnes individuelles ou pharmacies dont la règle est ouverture systématique « 

Pourtant 86% des sondés estiment qu’il est souhaitable d’obtenir le consentement des patients avant tout traitement informatique des données concernant leur santé.

En septembre 2011, une précédente enquête CISS-ViaVoice avait ciblé particulièrement le Dossier Pharmaceutique. On y lisait que 9% des 1005 sondés déclaraient disposer d’un DP, alors qu’officiellement 17 millions avaient déjà été créés à l’époque ! 73% indiquaient même que leur pharmacien ne leur avait jamais proposé l’ouverture d’un DP.

Une autre enquête portait sur les détenteurs d’un DP actuellement ouvert (379 personnes) :
75% pensaient que leur médecin traitant pouvait accéder aux données du DP. 74% croient même que l’Assurance Maladie y a accès !
52% estiment que les données sont disponibles sans limites de temps [1].
39% des sondés pensaient que le pharmacien pouvait accéder aux données de leur DP en leur absence.

42% affirment avoir découvert un jour qu’un dossier pharmaceutique avait été ouvert. Ce taux monte à 61% en région parisienne ou dans le cas où le patient n’a pas d’officine attitrée. Seuls 4% ont alors demandé que leur DP soit fermé.

Comment ouvre-t-on un Dossier Médical Personnel ?

Il faut la carte Vitale du patient.
Le préliminaire c’est d’arriver à se connecter au DMP via son navigateur. En effet 14 mois après le lancement national du Dossier médical Personnel, de nombreux logiciels métiers (Axisanté 5 par exemple) ne disposant toujours pas, de connecteur DMP, la seule option reste l’interface web.
Ce matin, pas de chance, avec IE9 ou Firefox 11, un message indique que mon poste de travail n’est pas fonctionnel : On me signale que « La configuration de votre poste semble erronée. Nous souhaitons modifier la configuration galls.ini pour permetter la lecture de la carte Vitale ». L’autorisation de réparation échoue.
Il semble donc exister un conflit au niveau du fichier de configuration Galss.ini gérant l’utilisation du lecteur bifente en mode série.

En temps normal, on donne une brochure explicative au patient et en quelques clics on lui ouvre son DMP.
Son accord est matérialisé par le collage d’une vignette DMP sur sa carte Vitale.
Comme on a documenté aussi son numéro de téléphone et son adresse mail, il recevra un message pour son accès personnel.

L’ouverture d’un DMP ne se fait donc pas « à l’insu du plein gré » du patient.

Comment ouvre-t-on un Dossier Pharmaceutique ?

Seuls les pharmaciens d’officine peuvent ouvrir un DP. Ils doivent

Après avoir recueilli le consentement verbal du patient indispensable à toute ouverture, le pharmacien crée en quelques secondes le DP. En théorie il doit remettre ensuite une attestation de création éditée sur papier, au bénéficiaire du dossier (la version électronique du document est conservée dans le serveur de l’officine).
En pratique selon Xavier Desmas interviewé à ce sujet par Destination Santé le 30 novembre 2011, à la tête de la Commission de l’exercice professionnel du Conseil de l’Ordre des Pharmaciens, « dans l’idéal, nous devons remettre au client une attestation de création concernant le consentement éclairé ainsi qu’un dépliant informatif. Mais dans la réalité, nous nous rendons compte que les patients ne veulent pas de l’attestation. Nous ne leur donnons donc que la brochure  ».

Selon le Conseil de l’Ordre des Pharmaciens, 16 % des patients refusent actuellement de créer leur DP, notamment au sein des tranches d’âge les plus élevées (plus de 75 ans).

On trouve dans le DP, en plus des renseignements administratifs, l’identification des médicaments délivrés (quantité et date de délivrance des produits prescrits avec ou sans ordonnance). Les noms des prescripteurs, les posologies et les prix ne s’y trouvent pas. On n’y trouve aucun renseignement médical direct. Il est bien évident que l »analyse des médicaments donnent les pathologies traitées.

Qui y a accès ? Le pharmacien et le personnel (préparateurs, étudiants en pharmacie stagiaires) une fois que la carte CPS du pharmacien est inséré dans le lecteur bifente connecté au système informatique. la lecture d’un DP nécessite la présence physique de la carte Vitale.

Quelle durée de conservation ? Le pharmacien peut consulter les quatre dernier mois suivant la dispensation. A noter que les informations relatives aux produits dispensés sont accessibles en cas d’alerte sanitaire (retrait d’un médicament) pendant trente-deux mois supplémentaires.

Normalement le patient peut choisir de ne pas inscrire certaines de ses dispensations dans son dossier. Il est prévu qu’une attestation de refus d’alimentation, éditée sur papier, lui soit alors remise. Pendant les des quatre mois suivants, la mention « dossier incomplet » apparaîtra à l’écran de tous les pharmaciens qui consulteront le DP de ce patient.
Evidemment comme la majorité les patients semble ignorer l’existence de leur propre DP, on peut douter qui’ils puissent refuser que certains médicaments y soient mentionner !

Rappelons cependant que l’accès au DP ne peut se faire qu’avec la carte Vitale du patient, carte qui peut être détenue par un tiers venu chercher les médicaments à l’officine.