Polémique sur le « Non substituable » entre génériqueurs, médecins et assurance-maladie

La part des médicaments génériques baisse. L’objectif d’un taux de substitution de 85% à fin 2012 des génériques, fixé par l’assurance maladie en accord avec les syndicats représentatifs des pharmacies d’officine, est devenu inatteignable. Le GeMME pointe du doigt les généralistes qui abuseraient de la « mention non substituable ». La CNAM-TS dans une étude récente, démontre que en dehors de rares médicaments, cette pratique est marginale.

Le 4 juin, dans un communiqué de presse, l’association de génériqueurs GeMME [1] , dénonçait « l’insuffisance des prescriptions dans le répertoire » des génériques « et l’usage excessif de la mention “non substituable” ».
Rappelons que le 6 janvier 2006 a été signé un accord national relatif à la fixation d’objectifs de délivrance des spécialités génériques [2], entre l’Union Nationale des Caisses d’Assurance Maladie, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, l’Union nationale des pharmacies de France et l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine. Il impliquait un taux de substitution de 75% quand un médicament est disponible en version générique. L’objectif 2010 fixait la substitution à 85% pour la fin 2012.
Or, fin avril 2012, le taux de substitution est descendu à un malheureux 72%, contre 79 % fin 2009 ! Pour le Gemme, ce chiffre serait même plus bas avec « en mars 2012, un taux de substitution de 67.7 % » !

Pour les génériqueurs, l’institut BVA a interrogé un panel dit représentatif de 200 médecins généralistes. Selon cette étude réalisé du 19 au 30 mars «  en moyenne, les médecins généralistes utiliseraient la mention “non substituable” pour 22% de leurs prescriptions. Ce taux est encore plus élevé pour les médecins généralistes de plus de 55 ans et avec une patientièle importante. »
Selon les industriels du générique « En 2011, l’usage abusif et non justifié de la mention “non substituable” aura coûté près de 180 millions d’euros à l’assurance maladie et 80 millions d’euros supplémentaires aux complémentaires ».

Prétextant cette étude, les représentants des syndicats de pharmaciens accusent les médecins d’être sous influence des laboratoires.
Le syndicat des médecins CSMF dénonce une manipulation du Gemme  : « Le sondage réalisé par le GEMME sur une base statistique trop étroite est donc faux, et son utilisation à des fins médiatiques relève de la manipulation. » en rappelant que la « prescription des médecins demeure libre et indépendante. Il appartient à chaque médecin de choisir en fonction du cas de son patient, dans le seul et unique intérêt de celui-ci, les produits qu’il lui prescrit. »

Pour la CNAM-TS ce n’est « pas une pratique significative » !

Le 6 juin 2012 la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, lors d’un point de presse, donne des chiffres fort différents de ceux du GeMMe.
Une étude maison a été faite sur 19 000 ordonnances venant de 800 pharmacies dans 100 CPAM.
12 000 ordonnances contenaient un médicament au moins appartenant au répertoire des génériques. Sur 46 000 lignes de produits, près de 23 000 étaient dans le répertoire.
Sur les 12 000 prescriptions, le taux d’ordonnance ayant au moins une fois la mention NS est de 4.8%.
Le taux de mention “non substituable” à la ligne de produit, s’élève à 4,2% seulement sur les ordonnances analysées.
2,6% des ordonnances, comportant plusieurs produits dans le répertoire, présentent systématiquement la mention NS sur chacune des lignes de produit, soit 0,8% de l’échantillon total des ordonnances.

Pour les 35 molécules les plus fréquemment délivrées, le taux de NS est variable :
Les leaders de la non substitution sont :
- 12,6 % pour l’antiagrégant plaquettaire Plavix (clopidogrel).
- L’hormone thyroïdienne Levothyrox est à 11,7% [3].
- L’anxiolytique Lexomil (bromazepam) est à 11,7%. A noter que le prix à l’unité du Lexomil est identique à celui des génériques.
- l’antiseptique local Eludril (chlorhexidine+chlorobutanol) est à 9,3%.

Par contre le taux est homéopathique avec 0,8 % pour le Nurofen (ibuprofène). Le contraceptif Trinordiol est à 1,1%. Même l’Elisor (pravastatine) est à 2%.

On constate d’importantes disparités régionales. Les meilleurs élèves sont les Pays-de-Loire et Bretagne qui enregistrent un taux de NS de 1,4 % et 1,5 % respectivement, contre 8,3% en Basse Normandie.

Réglementairement le droit d’opposition du médecin doit s’exprimer de manière formelle et explicite. L’article R 5125-24 du Code de la santé publique indiue que la mention “non substituable” doit être portée de manière manuscrite et en toutes lettres avant la dénomination de la spécialité prescrite.
On ignore dans l’étude CNAM-TS si on a pris aussi en compte les “NS”, les mentions “non substituable” imprimées informatiquement ou les tampons qui seraient apposés par certains médecins selon le GEMME.

Baisse des ventes de génériques en France

Les fabricants de génériques ont vendu en France 614 millions de boîtes en 2011, soit 3% de moins par rapport à l’année précédente. Le “non substituable” n’est que la partie émergée de l’iceberg. Les médecins peuvent prescrire en dehors du répertoire des génériques, des produits plus récents, donc non génériqués et plus chers ! C’est sur ce switch que joue les laboratoires de princeps via la visite médicale, la publicité dans la presse ou le sponsoring des colloques.

Le Gemme propose de :
- « Lancer une campagne de communication pour affirmer la qualité des médicaments génériques face aux rumeurs négatives diffusées en permanence »,
- « Encadrer strictement l’usage excessif de la mention “non substituable” sans remettre en cause les cas médicalement justifiés »,
- «  Développer la prescription au sein du répertoire des médicaments génériques ».

Il y aurait bien une solution radicale, ce serait de rembourser le princeps copié au Tarif Forfaitaire de Responsabilité (TFR).
Actuellement les différents génériques d’un même groupe sont soumis au TFR. Les princeps non ! Curieusement le GeMMe ne tient pas à l’utilisation du T.F.R. et développe des arguments spécieux :

LE TFR : A utiliser avec précaution « Le TFR est un outil contraignant et unilatéral. Il consiste à ne rembourser un médicament que sur la base du prix de son générique. Tous les médicaments (le princeps et son générique) s’alignent alors sur ce prix.
Le patient ne comprend plus l’intérêt du générique, le pharmacien perd son rôle actif, les industriels du médicament générique n’ont plus de légitimité.
Si le choix du TFR est aisé à comprendre lorsque la substitution ne produit pas les effets escomptés sur les économies collectives, son usage doit être celui du « dernier recours » lorsque la responsabilité des acteurs n’a pas produit ses effets.
 »

Le fait que certains adhérents du GeMME soient des filiales de grandes firmes pharmaceutiques est sans doute un pur hasard :

Arrow groupe américain Watson Pharmaceuticals Inc
Biogaran Servier
Cristers Welcoop
EG Labo STADA GmbH
H2 Pharma Filliale du groupe français H3 Pharma spécialisé dans les génériques
Médis Médis : Fabricant de génériques tunisien
Ranbaxy Ranbaxy Laboratories : Fabricant de génériques indien
Sandoz division médicaments génériques et biosimilaires de Novartis
Substipharm
Teva Laboratoires Laboratoire israélien Teva
Zentiva Regroupe les activités génériques Winthrop de Sanofi en Europe
Zydus Filiale du groupe indien Zydus Cadila

Une grande variabilité des conditionnements des génériques

Les officines travaillent avec un génériqueur principal qui garantit des prix d’achat bas car liés aux volumes plus importants. Une pharmacie peut changer de fournisseur pour un autre proposant de meilleures conditions commerciales. Comme il n’y a pas de règles imposant un emballage commun ou des unités de même forme, taille ou couleur, cela peut déstabiliser les patients surtout âgés. La convention pharmaceutique publiée le 6 mai 2012 et l’avenant n°6 proposent « la stabilité de la délivrance des médicaments génériques pour les personnes de plus de 75 ans  » avec un indicateur dédié.

A la décharge des détracteurs des génériques il faut reconnaître que certains industriels proposent des emballages pouvant entraîner des risques de confusion et de surdosage.
Ainsi chez Mylan il est très difficile de lire sur la boite la quantité de paracétamol de l’unité de prise. Il faut une très bonne vue pour distinguer qu’il s’agit de paracétamol 1 gramme ! Heureusement sur le blister c’est plus lisible.

Des génériques encore chers !

Selon l’assurance-maladie, la France est médaille de bronze sur le podium européen des pays où le médicament générique est vendu le plus cher, après la Suisse et l’Italie. Ainsi l’unité standard s’y achète 15 centimes d’euro, contre 30 en Suisse, 7 au Royaume-Uni, et 5 au Pays-Bas.
En abaissant ce prix d’un centime par unité, la France pourrait économiser 130 millions d’euros supplémentaires chaque année !

- Les quasi-génériques quèsaco ?  : Générique d’un princeps mais avec substitution de sels différents ou avec Folm ( formes orales à libération modifiée). Avec l’arrêté du 9 mars 2011 (publié au Journal officiel du 18 mars 2011), les dispositions de l’article 59 de la LFSS 2011 sont traduites réglementairement. Selon cet arrêté, la marge applicable aux spécialités se présentant sous une forme pharmaceutique orale à libération modifiée différente de celle de la spécialité de référence inscrite au répertoire des groupes génériques (« quasi-génériques ») est identique à celle des spécialités génériques. Cette disposition complète celle du décret n°2011-149 du 3 février 2011 concernant les conditions d’inscription au répertoire des génériques de ces « quasi-génériques ».

- Avril 2011 Trois questions à Stéphane Joly, président de Cristers
- Mars 2010 : Les médecins généralistes : Quel positionnement par rapportaux médicaments génériques ?